Il y a des voyages qui transforment. En 2020, Lydia Kasparian franchit pour la première fois le seuil de l'Arménie, accompagnée de deux générations : son père Roger Kasparian, figure majeure de la photographie française, et son fils Norvan, alors âgé de dix ans. Ce n'est pas un simple voyage touristique. L'Arménie et la république d'Artsakh viennent de subir une défaite déchirante face à l'Azerbaïdjan, et le pays porte encore les stigmates de cette guerre.

Ce qui aurait pu rester une visite familiale devient le point de départ d'un projet photographique d'une rare intensité. Touchée par la beauté brute du pays et la résilience extraordinaire de son peuple, Lydia Kasparian entreprend un travail au long cours, tissant ensemble mémoire collective, histoire tourmentée et humanité profonde.

Un témoignage historique de l'Artsakh

En 2021, la photographe réalise un acte qui prendra, rétrospectivement, une dimension historique majeure : elle entre une dernière fois en Artsakh. Peu de gens pouvaient alors imaginer que deux ans plus tard, en 2023, l'ensemble de la population arménienne de ce territoire serait expulsée. Ses images deviennent ainsi un témoignage précieux d'un monde qui n'existe plus sous cette forme, une mémoire visuelle d'une communauté dispersée.

Parallèlement à ce travail en Arménie, Lydia Kasparian poursuit depuis plusieurs années une enquête visuelle ambitieuse sur les diasporas arméniennes. De Marseille à Los Angeles, de Beyrouth à Buenos Aires, elle capte ces communautés dispersées aux quatre coins du monde qui, malgré la distance géographique et le passage du temps, demeurent liées par une identité commune, une langue partagée, des traditions préservées.

Quand la photographie rencontre l'histoire

Archipel des Arméniens constitue la synthèse de ces deux séries de travaux. Le titre lui-même évoque cette géographie éclatée du peuple arménien : des îles humaines dispersées sur la carte du monde, reliées par des fils invisibles mais indéfectibles.

L'exposition ne se limite pas aux images. Les photographies dialoguent avec les textes de Jean-Pierre Minaudier, historien reconnu spécialiste du Caucase et des minorités. Ses écrits offrent un éclairage scientifique et neutre qui vient en contrepoint du regard intime et sensible de la photographe. Cette rencontre entre l'objectivité historique et la subjectivité artistique crée une tension féconde, permettant au visiteur d'appréhender la complexité de l'expérience arménienne contemporaine.

Une transmission générationnelle

La présence de Roger Kasparian lors de ce premier voyage n'est pas anodine. Photographe de renom, il a sans doute transmis à sa fille bien plus qu'une technique : une manière de voir, de cadrer le monde, de saisir l'instant décisif. Et voilà que Norvan, à dix ans, découvre à son tour la terre de ses ancêtres, l'œil de sa mère derrière l'objectif. Trois générations réunies dans un même geste de mémoire et de création.

Cette dimension transgénérationnelle résonne particulièrement dans le contexte arménien, où la transmission de l'histoire familiale, souvent marquée par le génocide et l'exil, constitue un enjeu identitaire fondamental.

Informations pratiques

L'exposition Archipel des Arméniens se tiendra du 10 au 20 décembre 2025 à la Salle Capitant de la Mairie du Vème arrondissement, située 21 Place du Panthéon, 75005 Paris. L'entrée est libre et gratuite, de 11h à 18h chaque jour.

Dans le cadre prestigieux de cette salle municipale, à deux pas du Panthéon où reposent les grands hommes de la République française, les photographies de Lydia Kasparian invitent à un autre voyage mémoriel, celui d'un peuple qui a su préserver son identité malgré les tragédies de l'histoire.

Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter directement la photographe à l'adresse : kasparianlydia@hotmail.fr

Une occasion rare de découvrir un travail photographique qui documente avec sensibilité et rigueur la réalité arménienne contemporaine, entre enracinement et dispersion, entre mémoire et présent.