Chaque jour, sans même en avoir conscience, nous recevons en moyenne 2 900 messages marketing. Une notification au réveil, une affiche dans la rue, une bannière sur Internet, une publicité entre deux vidéos. Une pluie fine, invisible, mais constante, qui s’infiltre dans notre quotidien sans y être invitée.

Nous croyons vivre dans un monde libre, où nos choix sont le fruit de nos envies. Pourtant, derrière chaque clic, chaque recherche, chaque hésitation, des géants du numérique scrutent, analysent et apprennent.

Ces entreprises ont perfectionné l’art de transformer une curiosité en fidélité, un simple regard en attachement. Elles savent capter notre attention, la retenir, et parfois même la façonner.

Tout part d’une vérité simple : l’attention est devenue la richesse la plus précieuse du monde moderne. Chaque seconde que nous passons devant un écran est une pièce déposée dans l’économie du regard. Les marques ne se contentent plus de vendre des produits ; elles vendent des émotions, des promesses, des reflets de notre identité.

Prenons l’exemple d’Amazon. Le géant du commerce en ligne propose aujourd’hui plus de 600 millions d’articles. Chaque clic, chaque pause, chaque hésitation devient une donnée. Ces fragments de comportement sont transformés en un portrait numérique :

« Il aime ceci. »,
« Elle s’intéresse à cela. »,
« Ils ont probablement deux enfants. »

Et nous offrons ces informations sans contrainte, presque avec gratitude. En échange d’un confort, d’une livraison rapide, d’une vidéo gratuite, d’une illusion de proximité. C’est le pacte silencieux du marketing digital : nous donnons notre attention, ils nous vendent la sensation d’être compris.

Le processus est d’une efficacité redoutable. Les géants du web utilisent un modèle appelé le funnel, l’entonnoir. D’abord, attirer ; puis comprendre ; enfin, convertir. Tout commence par une invitation : un article, une publicité, un mail de bienvenue. Ensuite vient la phase d’observation : nos réactions, nos goûts, nos hésitations. Enfin, le message final arrive, précis, calibré, au moment où notre vigilance baisse.

À ce stade, il ne s’agit plus de hasard : tout est calculé. Nous croyons recevoir une information utile, mais nous entrons dans une histoire écrite pour nous. Et sans le vouloir, nous devenons des clients fidèles – non parce que nous l’avons choisi, mais parce que quelqu’un a appris à nous toucher au bon endroit, au bon moment.

Face à ce constat, il serait facile de blâmer la technologie. Mais le problème n’est pas l’outil : c’est l’usage que l’on en fait. Les géants du web se sont servis de la connaissance humaine pour vendre plus. Nous, nous pourrions nous en servir pour aimer mieux, rassembler plus justement, transmettre plus profondément.

Et si nous apprenions, nous aussi, à connaître notre communauté ? Non pour la manipuler, mais pour l’écouter. Non pour la retenir, mais pour la faire grandir. Non pour créer une dépendance, mais pour raviver un lien.

TALATINIAN Hagop
Fondateur de la plateforme Armenopole


Références

1.       The 2018 Dilemma: Digital VS Direct Mail Marketing. DirectMail2.com – estimation moyenne de 2 900 messages marketing par jour.

2.       How Many Products Does Amazon Carry. Red Stag Fulfillment, 2024 – estimation d’environ 600 millions d’articles disponibles sur Amazon.