Une assemblée : projections, performances, traductions, conversations, publications
Par Ayreen Anastas et Rene Gabri
Curatrice : Azar Mahmoudian
14, 15 et 16 décembre 2021
Communities of Oblivion [Les Communautés de l'oubli] est l’un des nombreux chapitres de Sensible Grounds, un programme sur les pratiques de l’image en mouvement qui appréhende la charge historique de l’outil filmique comme un espace à la fois mental et physique, capable de recréer des formes de sociabilités, de réinventer la manière dont nous habitons les histoires. À la manière d'une « conférence des oiseaux », cet assemblage fragmentaire de films, de performances et de conversations ne trouve son sens que dans et par l’expression de positions et d’expériences singulières, des voix de ceux·elles qui peuplent les films et les textes d’où jaillisent des questions liées aux blessures des peuples et des histoires effacés.
Ce programme est présenté dans le cadre du projet de la Commission Européenne organisé par l’ENSAD et Bétonsalon – centre d’art et de recherche à Paris : 4Cs : From Conflict to Conviviality through Creativity and Culture. Le 4Cs a été co-fondé par Europe Créative (2017-2021), sous la coordination de l’Universadade Católica Portuguesa de Lisbonne.
Mardi 14 Décembre à 19h
Projection suivie d’une discussion
Ayreen Anastas et Rene Gabri, Black Bach Artsakh, 2021
150 min
Arménien, anglais – Sous-titrage français
Doublage en français performé en direct par Mélanie Nittis et Gérard Der Haroutiounian. Traduction en français de Carla Bottiglieri.
Black Bach Artsakh est le nom d’un monde. Un monde qui vit dans le film et en tant que film. Non seulement ceux·elles qui le visionnent l’habitent, mais il·elles prennent soin de lui et assurent sa survie en le regardant. Ainsi, ce film n’est pas qu’une forme de résistance aux oppresseur·e·s et à ceux·elles qui nient le génocide arménien et continuent de le justifier : c’est un film qui se situe au-delà d’elleux.
Si un film est un document, il doit alors porter la marque d’un lieu et d’un instant précis. Ce film rappelle les évènements qui se sont tenus dans l’Artsakh en 2007, exactement 13 ans après la fin des violences contre les habitant·es arménien·nes du Haut-Karabakh qui luttaient pour leur liberté et leur souveraineté et 13 ans exactement avant l’invasion, en 2020, par le gouvernement autoritaire d’Azerbaïdjan, aidé par l’armée turque et plusieurs milliers de mercenaires syrien·nes afin de conquérir et de placer ce territoire sous son contrôle.
Un film comme un témoignage est capable de déstabiliser toute position de souveraineté ; c’est ce que revendique ce film. Il vit dans un temps qui n’est ni celui, linéaire, de l’Histoire, ni celui de la fiction, mais un temps proche de l’éternité. Le choix de la bande-son s’est donc tout naturellement porté vers Johann Sebastian Bach.
Mercredi 15 Décembre à 17h
Projection suivie d’une discussion
Ayreen Anastas et Rene Gabri, Untimely Film for Every One and No One, 2018
90 min
Anglais, allemand, français, arabe – Sous-titrage anglais
En 2007, Ayreen Anastas a voyagé en Algérie, en Égypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Syrie et en Tunisie, collectant des images pour un projet alors appelé A Film For Every One and No One. L’artiste l’avait imaginé comme une adaptation de l’œuvre de Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra dans le monde arabe contemporain. Depuis le tournage de ces images, une grande partie de cette région et du monde a basculé dans une période de troubles. Ces images ont pris un intérêt, un sens et une force toute autre. Le film demeurait inachevé. Avec l’aide de Rene Gabri et du philosophe Jean-Luc Nancy, l’artiste a tenté d’aboutir à une version intempestive de l’œuvre. Nietzsche considère l’intempestif comme le fait qu’une chose ne relève ni des goûts, ni des attentes ni des méthodes propres à leur époque. Alors que la version originale du film confrontait l’écriture et la pensée de Nietzsche aux conditions de vie contemporaines dans le monde arabe, cette version confronte sa pensée et son écriture à la chute et au chaos dans le monde arabe. Elle a pour trame historique le trou noir qui n’a cessé de s’étendre pendant les dix années qui ont suivi le voyage initial.
19h – Intervention de Françoise Vergès
Approche de Communities of Oblivion par le prisme de l’histoire coloniale française et les principes du féminisme décolonial.
Jeudi 16 Décembre à 16h
Projection suivie d’une intervention
Ayreen Anastas et Rene Gabri, Black Bach Artsakh, 2021
150 min
Arménien, anglais – Sous-titrage français
Doublage en français des passages parlés en direct par Mélanie Nittis et Gérard Der Haroutiounian.
19h – Intervention de Raymond Kévorkian
Approche de Communities of Oblivion : l’après-génocide arménien et les infrastructures de l’oubli, la persistance du déni.